Qui ne serait pas touché, affecté, par la tragédie qui s'est déroulée mercredi matin dernier ? Que l'on connaisse ou pas directement les personnes exécutées de sans froid par des fous, ce massacre incarne dorénavant de nouvelles craintes : la gratuité de la violence meurtrière, en plein jour, en plein coeur de la capitale, sans que personne n'ait pu faire quoi que ce soit.
Le fond et la forme :
Il est trop fréquent, au-
La "récupération" de cet évènement ne concerne d'ailleurs pas que les politiciens : ils ne sont pas seuls à pouvoir "profiter" d'une telle tragédie. En effet, depuis maintenant plusieurs jours, c'est le pain quotidien des "journalistes conventionnels", qui trouvent ainsi de quoi river les téléspectateurs/lecteurs/internautes derrière la moindre des révélations. A grand renforts d'interviews traumatisantes, de moments stressants en direct, d'images choc, d'enregistrements audio en exclusivité, ... les journalistes se gavent de la peur et du sentiment d'appartenance à un groupe uni pour en faire leur choux gras.
Comment oser prétendre partager la peine des familles des morts, comment se dire
choqué par ces actes de barbarie, lorsqu'on espère voir (et qu'on finit par le faire)
une mort en vrai ? Comment peut-
Nous avons ici l'aboutissement hypocrite de la curiosité glauque sur la fausse forme
d'information. Et lorsque, pour obtenir ces exclusivités, certains journalistes n'hésitent
pas à gêner les efforts de la police, à montrer les détails des interventions quitte
à les faire échouer (vu que les terroristes peuvent se renseigner aisément sur le
mouvement des forces de l'ordre), à aider que la parole de fanatiques qui appellent
au meurtre soit répandue plus efficacement, ... comment peut-
Remercions ici aussi le groupuscule "masqué" Anonymous qui prétend parler pour le
peuple (je n'appartiens donc pas au "peuple" car je ne me suis jamais senti représenté
par ces hackers qui se pensent au-
Une chose est sûre, jamais aucun des journalistes de Charlie Hebdo n'aurait imaginé
qu'un jour leur magazine serait, suite aux atroces circonstances, un emblème réunificateur
d'une très grande partie de la population. A cela, ils en auraient été tout aussi
surpris que fiers, à n'en pas douter. En revanche, l'anti-
Charlie Hebdo a été (et sera toujours) un journal satiriste, hautement athée, aux dessins et couleurs criards et aux idées, souvent particulièrement vulgaires, assénées sans aucun compromis. Un journal à la personnalité forte, qui aura fait couler beaucoup d'encre depuis qu'il existe, tant il aura été décrié par tout un chacun y ayant vu tôt ou tard une critique acerbe de ses propres valeurs. Charlie Hebdo a donc toujours revendiqué et assumé sa marginalité éditoriale.
Les mots ont une force, un pouvoir. Ils incarnent avec précision les pensées et valeurs parfois mieux que les actes. Lorsque l'on dit "Je soutiens les idées de Charlie Hebdo" ou "J'ai peur de voir disparaître les Libertés individuelles", les propos illustrent parfaitement le ressenti. Lorsqu'on dit "Je suis ...", on affirme que la suite de la phrase représentera CE qu'on est, pour peu que ce soit un qualificatif ("Je suis triste", "Je suis humain", "Je suis gay", ...), mais lorsque cette expression est suivi d'un nom propre, on se définit par ce nom qui devient notre IDENTITÉ.
"Je suis Yannick", car tel est mon nom. Ce nom, choisi à ma naissance, me représente,
en tant qu'individu. Il représente QUI je suis. Je peux opter pour "Je suis Yazorius",
vu que ce pseudonyme est un choix de nom qui est, là-
Le slogan "Je suis Charlie" est intelligemment prévu, par sa structure grammaticale. Il vise à regrouper les gens sous la bannière de valeurs démocratiques, certes. En soi, ce n'est pas gênant. Là où ça commence à poser des problèmes, c'est que l'expression ôte à celui qui la dit, pense, écrit, sa personnalité propre, son identifiant personnel, son nom, pour le fondre dans une masse communautaire sans visage, sans diversité, sans forme.
Ne pas être "Je suis Charlie" ne stipule pas que l'on soit contre les valeurs républicaines,
ou qu’on ose soutenir les actes terroristes et barbares. Chacun peut ne pas vouloir
porter un tel slogan, pour des raisons diverses. Sur Internet, un "Je ne suis pas
Charlie" est apparu pour contrer ce mouvement. Mais hélas, motivé principalement
par des préceptes religieux ou politiques, cette phrase d'opposition est devenue
elle-
Je n'ai jamais été "Je suis Charlie", car ne me reconnais pas dans la perte d'identité.
J'ai beau partager les valeurs, la tristesse, le choc, et les valeurs du magazine,
... je ne peux pas personnellement déposer QUI je suis pour devenir un autre, identique
à l'ensemble des autres. Cela va à l'encontre d'autres de mes valeurs, valeurs "individualisantes",
valeurs que justement Charlie Hebdo a toujours soutenues et revendiquées. Peut-
Je ne suis plus non-
Je n'empêche personne de revendiquer sa perte d'identité pour rejoindre une masse
conformiste. Je ne désire en aucun cas limiter les possibilités à chacun d'exprimer
son appartenance à un mouvement. Mais, pour être certain de ne pas me retrouver contre
ma volonté embrigadé dans un mouvement informe, tout en partageant ma tristesse,
mes craintes face aux divers drames depuis mercredi, je ne vois qu'une solution :
réaffirmer qui je suis. Réaffirmer mon identité, mon individualité, et ainsi mettre
en avant l'ensemble de toutes les valeurs qui me représentent, tant dans la forme
que dans le fond. C'est là-
…
... tout en restant qui je suis.
QUI SUIS-